Il a quelque jours, à un atelier de la Boîte à Aider, nous avons parlé un moment du burn-out et de l’incapacité de certains à se remettre en mouvement, à entrer en action même des années.
J’ai été en burn-out. J’ai été si fatiguée que je pleurais le soir sachant que je me réveillerais épuisée. J’ai songé à partir à l’étranger sans laisser d’adresse, à disparaitre, à recommencer à zéro sans connaître personne, sans que personne n’ait d’attentes à mon égard. Certains se sont rendu compte que j’étais stressée et fatiguée, mais je continuais de sourire, et j’affirmais ne pas avoir besoin d’aide.
J’avais tellement envie d’y arriver, j’y mettais tout mon cœur, je lisais les livres qu’il fallait, j’avais un beau plan en tête, j’avais les tous outils en main, je ne comptais pas mes heures. Mais je n’y arrivais pas. Je me noyais dans le travail. Moins j’y arrivais, plus je cherchais des solutions, je cherchais partout, je lisais, j’écoutais des conférences, je cherchais les spécialistes. Plus je me noyais, plus je me sentais incapable. Il m’était devenu impossible de réfléchir avec clarté, ma vision s’était déformée et je voyais tout en noir. Je ne pouvais plus me poser les bonnes questions, dont l’essentielle « est-ce que je suis à ma place ? ». Je ne voulais pas partir sur un échec, d’autres y arrivaient alors pourquoi pas moi ? Est-ce que je ne travaillais pas assez ? J’avais tellement idéalisé mon travail, ma fonction, ce que j’avais envie d’accomplir, ce que je me croyais capable de faire au début, que le fossé s’est creusé de plus en plus profondément et de plus en plus rapidement entre l’idéal et la réalité.
Je me suis tellement épuisée à la tâche, à trop vouloir en faire, à me battre pour y arriver, à culpabiliser de ne pas y parvenir, à me juger, que j’en étais à refuser les pauses nécessaires, tellement je pensais ne pas les mériter. D’autres y arrivaient et pas moi. C’est que je devais vraiment être la pire (Vous avez remarqué, toujours pas de question sur la justesse de ma place...). Et effectivement, ça s’est confirmé : n’ayant plus le recul indispensable sur ce que je faisais, rongée par l’épuisement moral et physique, je n’étais plus moi-même, je me renfermais, j’avais honte d’admettre que je pouvais avoir besoin d’aide, j’en suis devenue maltraitante. La maltraitance envers moi a peu à peu déteint sur ceux dont je devais m’occuper. Je n’étais plus en accord avec moi-même. Je ne me supportais plus et je ne supportais plus les autres. Je ne supportais plus d’être sollicitée. Je ne supportais plus le bruit. Le moindre crayon qui tombait par terre me faisait l’effet d’un marteau-piqueur. Je me suis mis à crier sur tout le monde. J’étais cassante. Je me sentais prisonnière.
Le soir, je pleurais en me couchant, sachant l’effort que me demanderait de sortir du lit.
Puis est venu le harcèlement. Vous savez, comme quand une meute de chiens s’en prend à celui d’entre eux qui est faible, malade, blessé. On m’a dit que j’étais mauvaise, que j’étais molle, que je ne devrais pas être là, que j’étais une personne horrible. Ça m’a conforté dans mon regard sur moi. Je ne valais pas mieux que ça. Je suis partie. Je me suis cachée pour panser mes plaies, j’ai beaucoup pleuré, j’ai beaucoup regardé la télé, j’ai beaucoup mangé…
Mais maintenant, j’en suis sortie, ça fait des années que j’ai démissionné, j’ai une vie toute neuve, avec une maison à moi, mes enfants chez moi une semaine sur deux et du temps pour moi. Je fais un travail que j’adore, qui me motive, qui me tient à cœur, j’ai envie que ça marche, j’ai envie de vivre de cette activité épanouissante et pour laquelle je reçois de la reconnaissance. Et pourtant je ne décolle pas. Je sais ce qui me manque pour y arriver. Je sais où je veux aller. J’ai fait des plans d’action, j’ai étalé mes objectifs sur un calendrier, j’y ai mis des actions intermédiaires faciles et rapides… Mais rien n’y fait, je suis paralysée à l’idée d’échouer. Peur de l’échec alternée avec celle de réussir tellement vite que je serais débordée… J’ai peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur, peur du jugement, et de la violence des mots que j’ai entendu il y pourtant longtemps. Peur de me faire des illusions, de ne pas avoir les épaules pour ce projet.
Le burn-out est toujours là, tapis dans l’ombre, prêt à bondir au moindre mouvement...
Et je me suis réveillée ce matin avec la réflexion suivante : Si je me suis effondrée à ce point, est-ce parce que mes bases n’étaient pas assez solides ? Maintenant que c’est écris, ça parait tellement évident que j’en ris. J’ai déjà beaucoup travaillé sur moi, j’ai libéré des mémoires, j’ai compris l’implication de certains événements, j’ai médité, j’ai appris des techniques et des méthodes, j’ai adopté des pratiques qui m’ont fait évoluer. Mais je n’ai pas repris mes bases, mes fondations, je suis toujours bancale. D’ailleurs, est-ce que toutes les personnes qui font un burn-out ont ce manque de fondations solides ?
Question à un million d’euros : est-ce que la crise mondiale actuelle n’est pas le révélateur du manque de fondations de notre société et de ceux qui nous gouvernent ?
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