Quand nous sommes nous coupés de notre humanité ?
Est-ce quand nous avons dû travailler à travailler du matin au soir sans avoir de temps pour prendre soin de nos enfants ?
Est-ce quand nous avons cessé de nous rassembler aux veillées le soir au coin du feu ?
Est-ce quand nous avons migré des campagnes à la ville en suivant une promesse d’argent ?
Est-ce quand les guerres se sont succédé à une telle cadence qu’on a appris à ne pas nous attacher ?
Est-ce quand nous avons dit aux garçons d’arrêter de pleurer et aux filles d’être sage ?
Est-ce quand nous avons commencé à rationnaliser, à normer, à catégoriser, à classer, et nous méfier de ce qui ne peut pas y être rangé ?
Est-ce quand nous avons cessé de croire en nos rêves ?
Est-ce quand nous avons cessé de dire bonjour à nos voisins et aux inconnus croisés en chemin ?
Est-ce quand nous avons remplacé la communauté par le dieu argent ?
Est-ce quand nous avons cessé de nous regarder dans les yeux ?
Est-ce quand le corps est devenu tabou ?
Est-ce quand nous avons renié aux autres le droit d’avoir un avis autre que le notre ?
Est-ce quand nous nous sommes soumis face à la violence ?
Est-ce quand nous nous sommes laissé séparer et laissé monter les uns contre les autres au lieu de rester unis et solidaires ?
Est-ce quand nous avons commencé à tuer pour le plaisir et non pour manger ?
Est-ce quand nous avons cessé de remercier la nature et les producteurs pour notre nourriture ?
Est-ce quand nous avons perdu le contact à la terre en portant des chaussures ?
Est-ce quand avons-nous cessé de construire un monde commun, sur la base de nos similarités, et non le rejet de nos différences ?
Est-ce quand nous avons appris à nous méfier de nos voisins ?
Est-ce quand nous avons appris à nous taire face aux injustices ?
Est-ce quand nous avons eu peur de nous faire exclure d’un groupe sur la base de nos idées ?
Est-ce quand nous avons commencé à mépriser nos sentiments, nos émotions, notre nature instable ?
Est-ce quand a commencé notre refus de la mort et la maladie ?
Est-ce quand on a accepté de renoncer à nous pour une promesse de confort ?
Nos joies, nos peines, les cris de nos cœurs, nos colères, nos plaisirs, nos passions, nos élans, mais aussi nos interrogations, nos recherches, nos découvertes, notre émerveillement, ne font-ils pas de nous des humains ? Nos doutes, nos angoisses, nos peurs, notre détresse, mais aussi notre sérénité, notre compassion, notre chaleur, notre envie de partager et d’aider ne font-ils pas notre humanité ?
Pourquoi vouloir une vie et des interactions lisses et calmes, sans saveur ou relief ? Que nous reste-t-il si nous ne sommes plus qu’à moitié humains ?