De l'ombre à la lumière : Exemple d'une méditation des démons

Méditation des démons (d'après le livre Feeding Your Demons par Tsultrim Allione) : 

Cette méditation est issue d'une tradition ancestrale des moines bouddhistes tibétains. Il s'agit, au lieu d'enfouir en nous nos démons (peurs, colères, sentiment d'injustice...) et de développer des stratégies pour les éviter (comportements compulsifs par exemple), de les affronter et d'instaurer un dialogue intérieur avec eux au cours d'une méditation pour les comprendre et les nourrir afin qu'ils deviennent nos alliés.

 

 Ce matin, je me réveille avec l'idée que je ne réalise pas mes rêves et envies parce que j'en ai tellement que je ne sais pas par où commencer, et que j'ai peur de passer du temps sur quelque chose et d'en manquer pour un autre projet. J'ai également peur de briller, d'avoir du succès dans un domaine, et d'être très sollicitée dans ce domaine et de ne pas savoir gérer le surplus de travail, de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir répondre aux attentes, d'être jugée parce que "trop" ou "pas assez", et de manquer de temps pour moi.

 

J'ai peur de moi, de qui je suis, de mes capacités, de ne pas avoir le temps de tout faire  : ce sera donc le thème d'une méditation. 

 

Je commence par me relaxer par quelques respiration et prise de contact avec mon corps. Je conscientise les endroits de mon corps qui sont affectés par cette peur. Je réalise qu'en plus de la peur, j'ai envie, j'ai hâte de pouvoir mettre en œuvre ces capacités et cette énergie, j'ai envie de contribuer à changer le monde. Ce ne sera donc pas un démon mais un démon-dieu dans cette méditation (un démon est une chose qui fait peur ou qui bloque, un dieu est quelque chose auquel on aspire sans y parvenir, un démon-dieu les deux à la fois). Je perçois mon corps : ma gorge serrée par tout ce que je n'ai pas exprimé de moi, de mes opinions, de mes envies, de ma colère... Mes épaules lourdes de tout ce que j'accumule : envie de plaire, peur du regard de l'autre et en même temps envie de rallier des gens qui veulent créer plus d'harmonie et de communion, peur de dire des choses qui fâchent et ras-le-bol de me taire et n'être parmi la majorité invisible... Mon ventre qui bouillonne de tous ces projets cachés et qui poussent et tapent pour venir au monde et s'épanouir... Mes yeux froncés à force de voir toutes ces horreurs qui n'ont pas lieu d'être et que je veux changer sans y parvenir jusqu'ici...

 

J'amplifie toutes ces sensations puis je les sors de mon corps pour les placer en face de moi. Je regarde cette masse d'énergies se transformer en une entité : c'est Anubis, avec un long sceptre (sceptre "ouas" -j'ai regardé sur internet depuis- servant à capturer les serpents et à en extraire le venin, et symbole de la puissance divine que les dieux transmettent au pharaon) et un ankh (symbolisant la vie). Je ne connais pas grand chose à l’Égypte antique bien que je m'y sois intéressée quand j'étais au collège, et je suis très surprise parce qu'en général, les “démons” que je perçois pendant ces méditation n'ont pas une forme aussi précise. Anubis est en face de moi, un homme à tête de chien, noir, beaucoup plus grand que moi. Il me domine de par sa taille et son air effrayant, sa puissance, qui semble invincible, et sa symbolique de la mort, mais je sais qu'il représente aussi le renouveau, de la continuité de la vie au-delà de la mort ou la fin de quelque chose. Je lui pose les trois questions que recommande Tsultrim Allione : Que veux-tu de moi? De quoi as-tu besoin? Comment te sentiras-tu quand ce besoin sera satisfait?

Et je me mets à sa place pour répondre à ces questions. Je ressens la force et le pouvoir de ce dieu, je ressens la taille de son corps, je ressens aussi de la détermination et de la colère. Je ressens cette frustration qu'il a de me pousser à créer ce qui doit l'être et de me voir résister et me diminuer, la frustration de voir les humains jouer à plus bêtes qu'ils ne le sont, à perdre de l'énergie et du temps dans des guerres d'ego, la destruction au lieu de la construction. Il veut que je m'assume, sinon il va continuer de grandir en puissance, en menace et à m'écraser. Il a besoin de se reposer, il en a assez de ce rôle consistant à secouer les gens, les réveiller, les menacer parce qu'ils ne voient pas le chemin de vie qui leur est présenté. Il veut reprendre son rôle de guide, de préparateur, d'éclaireur si on veut bien l'écouter, ouvrir les yeux et faire confiance. Il pourra alors se sentir fort de son savoir et de ses capacités de visionnaire, de guide spirituel, il se sentira apaisé de pouvoir reprendre son rôle véritable, satisfait d'être lui-même, à sa place, exerçant son pouvoir et ses capacités.

 

Je reviens à ma place (je sors du rôle d'Anubis pour reprendre le mien) et ressens dans mon corps et mon âme tout ce qui vient de se dire. Comme préconisé je me laisse fondre en une substance sirupeuse qui va nourrir ce dieu-démon. Je deviens l'apaisement, la satisfaction d'être soi, je deviens le pouvoir, la force, je deviens la mise en lumière des capacités, la non-compromission... Je me laisse fondre et laisse un filet de ce miel couler vers Anubis. Après un petit moment, il change de forme, cesse de boire, et devient Rê, puis Isis. Elle se tient à genou devant moi, avec le disque solaire éblouissant au-dessus de sa tête. Elle est souriante, heureuse d'être là. Elle symbolise le féminin dans toute sa force, son pouvoir de création, de génération, d'enfantement, de mise à jour, mais aussi de rassemblement, d'unité, de communion, de solidarité, de sagesse, et bien-sûr de l'Amour. Je lui demande si elle est mon alliée comme le suggère T.Allione.

Elle me dit non, et me présente mes deux alliés : un serpent et un scarabée. Le serpent sera là pour aller au plus profond de la terre, du savoir, de la mémoire et en extraire les idées adaptées à chaque situation. Il peut se glisser n'importe où et se rendre dans des lieux inaccessibles. Il est là où on ne l'attend pas, discret, silencieux, il se cache pour mieux accumuler et digérer le savoir. Il peut être effrayant et menaçant mais il est aussi symbole de renouveau et de guérison, voire d'éternel.

Le scarabée est un travailleur infatigable, qui charrie des billes de bouse jusqu'au sommet d'un monticule, mais pas pour rien, pour y déposer ses œuf, la future génération. Il est là pour me rappeler que l'effort n'est rien sans un but. Je me rappelle toutes les fois où j'ai fait des choses parce qu'il fallait les faire, parce qu'il faut bien s'occuper, ou parce qu'on me le demande... Il est temps d'avoir des buts à moi ! Il est aussi là pour faire le lien entre la terre/le terre-à-terre et le ciel/l'esprit/le spirituel.

 

La dernière étape de la méditation, c'est d'imaginer que des alliés sort une sphère de lumière que je vais laisser entrer dans mon corps, dans mon cœur, et se diffuser tout autour de moi pour infuser tous les éléments de ma vie. Il y a eu un blocage à cette étape, et une réalisation : ces alliés ne pourront être là pour moi que lorsque ma propre lumière brillera, que j'arrêterai de me cacher et de feindre d'être sans pouvoir, sans capacités, sans dessein. Quand j'ai reconnu cette volonté de passer de l'ombre à la lumière, j'ai pu recevoir la lumière de mes alliés.

 

 

Cette méditation m'a donc permis d'aller plus loin dans la compréhension de certaines choses : il est temps pour moi de me concentrer sur ce que je sais faire, ce que je peux faire, ce que j'ai envie de mettre en place, plutôt que sur ce qui ne va pas, ce qui ne marche pas, ce et ceux qui me déplaisent, etc..., même si dans certains cas il est important de passer du temps à comprendre ce qui ne va pas pour changer les choses. Il est temps pour moi de réaliser que j'ai des alliés, non seulement quand je fais des méditations, mais aussi dans la « vraie » vie, des gens qui sont là pour moi, qui peuvent m'aider, me guider, m'assister... Il est temps pour moi de voir ce que je peux apporter aux autres et au monde et de ne plus me cacher, d'entrer dans la lumière, avec confiance !